Le Secrétaire Exécutif de la Commission Climat pour la Région du Sahel (CCRS), SEM. Issifi Boureima a pris part ce lundi 29 juillet 2024 à Dakar au Sénégal à l’ouverture de l’atelier régional sur la sécurité climatique et l’extrémisme violent. Etaient également présents à la cérémonie, Madame Barrie Freeman, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) et Madame Manuela Brunero, Chargée de programmes à l’Institut interrégional de recherche des Nations Unies sur la criminalité et la justice (UNICRI).
SEM. Issifi Boureima a prononcé à l’occasion une importante allocution dans laquelle il a salué l’initiative de l’organisation de la rencontre avant de passer en revue les défis et enjeux de la problématique de la sécurité climatique et de l’extrémisme violent dans la région du Sahel. Il a par ailleurs mis en évidence les effets et implications des intercorrélations de ces deux phénomènes majeurs qui exposent les pays du Sahel à des risques multiformes, sociopolitiques, économiques et environnementaux.
Aussi, SEM. Issifi Boureima a rappelé les principaux goulots d’étranglements qui freinent l’efficacité des interventions face à ses défis. Il a à cet égard plaidé pour une mutualisation des efforts des acteurs dans le cadre de la définition des réponses adaptées à travers une approche holistique et cohérente pour une prise en charge durable du nexus climat-paix-sécurité au sahel.
ALLOCUTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR ISSIFI BOUREIMA, SECRETAIRE EXECUTIF DE LA CCRS
Madame Barrie Freeman, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel
Madame Manuela Brunero, Chargée de programmes à l’UNICRI
Mesdames, Messieurs, Distingués invités
Je voudrais à l’entame de mon propos saluer et féliciter les organisateurs de cet important événement notamment, l’UNICRI et l’UNOWAS en leur présentant par ailleurs, mes vifs remerciements pour l’invitation qui m’a été adressée.
Il me plait également de saluer le gouvernement allemand, partie prenante de la présente rencontre, pour son engagement soutenu à la faveur de l’appui au renforcement de la résilience et de la pacification du Sahel.
Je voudrais aussi m’acquitter avec plaisir et grand intérêt d’un devoir relevant de la tradition africaine et des usages diplomatiques, celui de saluer vivement l’hospitalité légendaire du gouvernement de la République du Sénégal, terre du Teranga.
Mesdames et Messieurs,
C’est pour moi un immense plaisir de prendre part aujourd’hui à cet évènement consacré à la problématique de l’insécurité climatique et à l’extrémisme violent, deux phénomènes majeurs dont les effets et les implications de leurs intercorrélations exposent nos pays à des risques multiformes, sociopolitiques, économiques et environnementaux.
En effet, les conséquences dues surtout aux effets conjugués de ces phénomènes bénéficiant d’un état de fragilité structurelle de nos écosystèmes, entrainent la persistance de la dégradation des ressources naturelles, l’augmentation de la vulnérabilité des communautés qui en dépendent ainsi que l’érosion de la cohésion sociale et la recrudescence des différentes formes d’insécurité.
Faudrait-il rappeler que la région du Sahel est l’une des zones faisant face aux crises les plus prolongées au monde. Les communautés et leurs moyens de subsistance sont affectés par les effets du changement climatique notamment, les sécheresses et les inondations récurrentes mais aussi les conflits et leurs répercussions sociopolitiques et économiques.
Selon le HCR en 2023, cette situation climatique précaire a induit dans la zone du Lac Tchad par exemple, des milliers des déplacés internes et a exacerbé le taux de pauvreté déjà élevé, impactant environ 65 % de la population.
Ces conditions climatiques de plus en plus défavorables entrainent l’accentuation de la rareté des ressources en terre et en eau ainsi que le déplacement forcé de plus de 5,6 millions de personnes. Elles intensifient par ailleurs, les tensions et l’inaccessibilité aux services sociaux de base à plus de 2,2 millions d’enfants, et sont également à l’origine d’affrontements entre éleveurs et agriculteurs dans la région, selon cette même organisation partenaire.
Au Liptako-Gourma, plus de 80 % des habitants des zones rurales vivant avec un accès difficile à ces services de base sont encore plus éprouvées avec l’escalade de la violence et des conflits observés au cours des dernières années, entrainant ainsi en juin 2020 le déplacement de plus de 700 000 de personnes.
Ainsi, il y a lieu de retenir que dans la région du Sahel, ce sont environ 32,8 millions de personnes qui continuent d’être affectées par un ensemble complexe et interconnectées de crises exacerbées par l’instabilité, la détérioration de la situation sécuritaire et les effets du changement climatique. Parmi elles, 17,9 millions de personnes se situent au Burkina Faso, dans l’extrême-Nord du Cameroun, au Tchad, au Niger et dans les États du Nord du Nigeria.
Il est important de souligner que la persistance des effets de ces phénomènes se manifeste en dépit des efforts de nos pays sahéliens ainsi que de l’appui des différents partenaires. Toutefois, faudrait-il relever l’existence d’une série de goulots d’étranglements qui impactent l’efficacité des réponses apportées et cela tant au niveau stratégique qu’opérationnel.
Ainsi, l’absence d’une vision holistique à la faveur d’une promotion d’actions cohérentes et intégrées n’a pas permis d’obtenir des réponses durables face à ces défis. Aussi, il est important de souligner que l’intercorrélation entre le climat et la sécurité a souffert pendant longtemps d’une reconnaissance de la part de certains acteurs et cela, en dépit des faits illustratifs ci-dessus cités, ce qui n’était pas à la faveur de l’émergence d’une vision holistique dans le cadre de la prise en charge de cette problématique au Sahel.
Mesdames et Messieurs,
C’est face à cette situation que, dès le début de son opérationnalisation, la Commission Climat pour la Région du Sahel a été à l’initiative du plaidoyer pour un projet de résolution porté auprès du Conseil de sécurité des Nations unies par la République du Niger assurant sa conduite politique. Ce projet de résolution conjointement défendu avec la République d’Irlande voulait ainsi la reconnaissance universelle des liens d’intercorrélation entre le climat et la sécurité.
Bien que cela n’avait pas eu l’adhésion de cette instance décisive de l’agenda multilatéral, du fait du refus de certains de ses membres pas des moindres, devrions-nous nous réjouir opportunément de l’appropriation de la cause par le système des nations unies à travers ses agences spécialisées et leurs partenaires. La présente rencontre en est ainsi une parfaite illustration.
Au niveau régional, plusieurs initiatives sont ainsi mises en œuvre dans cette dynamique en reconnaissant la nécessité d’appréhender de façon soutenue et adaptée le défi climatique et son intercorrélation avec la problématique sécuritaire.
Il me plait ainsi de souligner à cet égard les actions de résilience et stabilisation mises en œuvre dans le bassin du Lac Tchad et dans le Liptako Gourma. Ces actions qui sont prévues être soutenues et renforcées dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration dite de Bamako à travers laquelle, nos pays membres se sont accordés sur une vision claire promouvant une approche holistique pour la prise en charge du nexus climat-pays-sécurité.
Je me jouis d’ores déjà que dans le cadre de la mise en œuvre de cette Déclaration, les trois pays membres de la CCRS de la zone du Liptako-Gourma ont amorcé avec l’appui du PNUD et notre organisation sous-régionale consœur l’ALG, le processus de l’élaboration des stratégies nationales de ce nexus et cela, en prélude à une stratégie régionale devant renforcer la prise en charge de cette problématique.
Il me plait à cet égard de souligner que la CCRS, en tant que partie prenante au rang des Organisations régionales de cet agenda et conforment à son mandat, a retenu la problématique climatique et sécuritaire ainsi que leur intercorrélation au cœur de sa vision stratégique et sa déclinaison opérationnelle.
Ainsi, au niveau stratégique, faudrait-il souligner que ce défi est au centre de l’agenda du plaidoyer et de la diplomatie climatique de la CCRS auprès de l’ensemble des acteurs à savoir, les pays membres ainsi que les Partenaires techniques et financiers notamment, pour une prise en compte de cette problématique dans la définition et la mise en œuvre des politiques et stratégies nationales, sous-régionales et régionales au Sahel.
C’est dans cette même dynamique que des orientations ont été définies pour une prise en compte du nexus dans le nouveau Plan d’Investissement Climat pour la Région du Sahel (PIC-RS) récemment révisé en prélude à son adoption par les pays membres. Des consultations sont également prévues avec ces pays, dans la perspective de la prise en compte de ce nexus dans la troisième génération de leurs CDN.
Au niveau opérationnel, en cohérence à sa vision stratégique, la CCRS a initié, en relation avec certains de ses partenaires, une série de projets de sécurité climatique multi-pays dans le cadre de la promotion des actions cohérentes et adaptées permettant de mieux aborder cette problématique au Sahel.
Aussi, la CCRS s’apprête à lancer une étude pour l’élaboration d’un programme régional de sécurité climatique abordant par ailleurs, la résilience des systèmes alimentaires et l’accès à l’énergie durable qui constituent deux priorités majeures des politiques de résilience au Sahel.
Mesdames et Messieurs,
L’analyse de l’agenda de la présente rencontre me réconforte quant à la cohérence des thématiques et les sujets prévus être abordés ainsi qu’au regard du caractère indiqué du choix des imminents experts mobilisés.
Je me permets ainsi d’avancer que les résultats escomptés attendus à l’issu des travaux seront à la faveur de la proposition des mécanismes et approches cohérents pour une prise en charge durable du défi permettant d’anticiper sur l’ampleur de la projection future des impacts et de leurs effets notamment conjugués.
Je fonde ainsi l’espoir que la présente rencontre sera mise en contribution pour faire évoluer certaines opinions, qui sans réfuter absolument l’existence d’une intercorrélation entre le climat et la sécurité, ont tendance à minimiser sa rigidité notamment, dans le cas de l’extrémisme violent.
Il me plait ainsi de relever que cette forme d’insécurité à savoir le phénomène de l’extrémisme violent bien qu’à l’origine, ses causes pourraient être attribuées à des aspirations idéologiques et ou identitaires, amplifiées par des problèmes de gouvernances sociopolitiques locales et nationales. Son ampleur grandissante est occasionnée par ailleurs, par la vulnérabilité des communautés et populations qui, face à la détérioration de leurs moyens d’existence se tournent souvent vers d’autres voies de subsistance même illicites.
C’est pourquoi, il me parait une évidence que dans le cadre de l’agenda de la résilience et l’adaptation face au changement climatique au Sahel, aucune réponse ne pourrait être jugée adaptée et cohérente si elle ne prend pas en compte les implications en lien à la problématique sécuritaire et ses corollaires, et ce, sur toute ses formes.
Il y a lieu ainsi d’inviter à une focalisation des débats non pas sur une quelconque appréciation de ce lien de causalité mais plutôt sur l’examen des risques réels actuels et futurs face à l’inaction ainsi que des solutions adaptées qui doivent concourir à une meilleure prise en charge du défi. Dans cette perspective, il nous parait important qu’une attention soit accordée lors des travaux sur les éléments de réponses adaptées aux règlements des goulots d’étranglement en lien à l’agenda de la résilience du Sahel face aux chocs climatiques et sécuritaires. Il s’agit notamment de :
- La synergie entre les acteurs ;
- Le renforcement des connaissances sur les risques et impacts réels actuels et leurs projections futures ;
- La définition des actions cohérentes et adaptées à travers l’appui à l’élaboration des projets bancables ;
- La mobilisation des ressources adéquates pour le financement des actions.
Il me plait ainsi de souligner que dans le cadre de l’agenda du financement, la CCRS a initié la mise en place d’une Facilité devant permettre de contribuer à mobiliser des ressources pour le soutien de la résilience, de l’adaptation et de la pacification du Sahel. La CCRS se réjouit-elle à cet égard, de l’excellente collaboration avec certains de ses partenaires notamment le PNUD dans le cadre de cet agenda dont le processus sera bientôt bouclé.
Cette Facilité, prévue en prélude à l’opérationnalisation effective du Fonds Climat pour la résilience du Sahel (FCS), apparait indiquée au regard de la problématique du financement qui constitue l’un des principaux goulots d’étranglement susmentionnés qui freinent le succès de la mise en œuvre des initiatives de l’agenda climatique et sécuritaire de façon globale.
Aussi, conscient de la complexité des défis et surtout au regard de l’ampleur des risques et de leurs projections face à l’inaction, il me plait de renouveler mon appel, à l’endroit de l’ensemble des partenaires de la région du Sahel pour un plaidoyer soutenu pour plus d’attention à la région du Sahel à travers notamment, l’impulsion d’une réflexion à la faveur d’un Deal international pour la promotion d’un nouveau pacte décennal, pour un appui soutenu permettant de gagner irréversiblement le pari de la résilience, de l’adaptation et de la pacification du Sahel.
Ce plaidoyer que nous invitons le Système des Nations unies de s’en approprier comme partie prenante majeure, pourrait être ainsi porté lors de tous les grands rendez-vous internationaux des agendas multilatéraux et bilatéraux pour une concrétisation de ce Pacte décennal.
C’est dans cette dynamique que j’ai le plaisir d’annoncer la proposition de la CCRS relative à l’organisation d’un évènement de plaidoyer pour le Sahel en marge de la COP29 prochaine sur le climat en relation avec le Programme Alimentaire Mondial et d’autres partenaires.
Cet événement pour lequel nous sollicitons également l’appui et l’implication effective de l’UNOWAS, l’UNCRI, le gouvernement allemand et les autres partenaires ici représentés, devrait servir de cadre d’échanges sur les actions menées par les différents acteurs afin de s’accorder sur une mutualisation des efforts pour une meilleure prise en charge de la problématique de la sécurité climatique et ses corollaires au Sahel.
En vous réitérant la pleine disposition de la CCRS à œuvrer avec tous les partenaires du Sahel à la faveur d’une résilience et pacification durables de notre belle région, je vous remercie pour votre aimable attention.




