« Vers un développement résilient au climat : intégrer la mobilité climatique dans les stratégies de sécurité de l’eau et atteindre l’ODD 6 »
Excellences,
Chers participants,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d’abord à l’entame de mon propos remercier chaleureusement le Centre mondial pour la mobilité climatique pour l’aimable invitation qui m’est adressée à me joindre à cet important événement parallèle qui se tient en marge de l’édition 2023 de la Conférence des Nations Unies sur l’eau.
La Commission Climat pour la Région du Sahel dont je suis le Secrétaire Exécutif, est comme vous le savez une des trois Commissions Climat africaines créées sous l’égide de l’Union Africaine dans le cadre dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et le renforcement de la résilience des populations et leurs moyens d’existence en Afrique. Elle regroupe 17 pays africains de la bande sahélienne allant de Cap Vert à Djibouti.
Depuis 2018, grâce à sa Commission Climat, la Région du Sahel s’est ainsi dotée d’un Plan d’Investissement Climat, qui se concentre sur six axes clés pour renforcer la résilience des communautés à s’adapter aux effets néfastes du changement climatique. Ces axes sont principalement :
1) Restauration et réhabilitation des terres dégradées
2) Gestion intégrée des ressources en eau
3) Gestion durable des systèmes agricoles et pastoraux
4) Amélioration de l’efficacité énergétique et accès à une énergie propre
5) Développement de la communication et du plaidoyer, et
6) Renforcement des capacités
Ce Plan d’Investissement Climat a le grand mérite d’avoir identifié et planifié une série d’actions cohérentes dont la mise la mise en œuvre contribuera significativement à faire face à l’aggravation de la crise climatique qui induit une évolution des schémas de déplacement humain ainsi qu’au défi de la gestion des ressources. C’est pourquoi, je suis ravi de me joindre au gouvernement ougandais, à l’Africa Climate Mobility Initiative (ACMI), à l’OIM et à Deltares pour souligner l’importance de la gestion des risques climatiques et de la mobilité humaine dans le cadre de la mise en œuvre de l’ODD6 sur l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous.
Mesdames et Messieurs,
Venant de la région du Sahel, je connais trop bien les défis de la gestion de ces trois facteurs : l’aggravation de la crise climatique, le partage des ressources en eau et l’évolution des schémas de déplacement humain.
Les zones arides et semi-arides de la bande sahélienne et de la Corne de l’Afrique sont les régions du monde les plus vulnérables au climat.
Les températures dans la région augmentent de 1,5 % plus rapidement que la moyenne mondiale. L’irrégularité des précipitations a entraîné des sécheresses et des inondations fréquentes et prolongées qui perturbent les moyens de subsistance agropastoraux et contribuent à l’instabilité dans la région. Les projections indiquent que la variabilité des précipitations augmentera et que les événements extrêmes deviendront plus fréquents et plus intenses.
Ces risques climatiques croissants menacent de saper nos infrastructures, nos économies, ainsi que la santé et les moyens de subsistance de notre population. Les groupes dépendants du climat comme les pasteurs, les communautés de pêcheurs et les petits agriculteurs sont parmi les plus touchés.
Les principaux secteurs de développement à travers l’Afrique ont déjà commencé à subir des pertes et des dommages généralisés dus au changement climatique, notamment des pénuries d’eau, une baisse de la production alimentaire, une perte de biodiversité et des pertes de vies. En conséquence, on estime que le changement climatique a réduit de 34 % la croissance économique du secteur agricole depuis 1961, plus que toute autre région du monde.
Mesdames et Messieurs,
Le combat de la Commission climat pour la Région du Sahel consiste ainsi à apporter des solutions innovantes permettant aux populations sahéliennes de s’adapter à des conditions climatiques de plus en plus sévères afin d’éviter ou tout au moins amoindrir les pertes et dommages qui en résultent.
Faudrait-il rappeler que ces conditions climatiques sont notamment l’irrégularité des précipitations entraînant des sécheresses et des inondations régulières et prolongées qui perturbent les schémas agropastoraux traditionnels et contribuent à l’instabilité dans la Région du Sahel.
Pour de nombreux ménages africains, la migration fait partie de leurs stratégies normales de survie et d’adaptation. Cependant, les conclusions de l’Africa Climate Mobility Initiative prévoient que les facteurs climatiques inciteront davantage de personnes à se déplacer à l’avenir.
La présence de trop ou trop peu d’eau, sous forme d’inondations et de sécheresses, est un facteur primordial dans la conduite de cette mobilité climatique.
La modélisation de l’Initiative prévoit que d’ici 2050, jusqu’à 5 % de la population africaine, soit jusqu’à 113 millions de personnes, pourraient être en déplacement dans leur pays en raison des impacts climatiques. Il s’agit d’une multiplication par trois par rapport aux 1,5 % de la population africaine en déplacement aujourd’hui.
La région de l’IGAD qui comprend le Sahel-Est devrait être un point chaud de la mobilité climatique. Elle pourrait voir jusqu’à 10% de sa population se déplacer en raison des impacts climatiques d’ici 2050. Les zones frontalières devraient également connaître des niveaux élevés de mobilité climatique. C’est le cas des régions en bordures de frontières entre le Niger et le Nigéria, l’Érythrée et l’Éthiopie ainsi qu’avec le Soudan.
En effet, pour le cas du Niger, pays situé au cœur du Sahel ouest, l’une des sécheresses les plus dévastatrices de 2010 a tué plus de 4,8 millions de bovins, soit environ un quart des troupeaux du pays, entraînant des pertes et des dommages économiques dépassant 700 millions de dollars. Aussi, plus à l’est au niveau de la corne de l’Afrique, la persistante sécheresse qui sévit actuellement en Somalie a déplacé près de 1,5 million de personnes.
Les inondations et les tempêtes augmentent également en fréquence et en intensité en raison du changement climatique. L’automne dernier, notre région a été frappée par de graves inondations qui ont déplacé plus de 3 millions de personnes en Afrique de l’Ouest et du Centre, dont 1,4 million au Nigeria. Au moment où nous parlons, nos pensées vont à l’endroit du Malawi, pays de l’Afrique australe qui a subi avec le Mozambique et Madagascar, les effets impitoyables du cyclone tropical Freddy qui a occasionné le déplacement de plus de 200 000 personnes.
Aussi, l’élévation du niveau de la mer, l’érosion côtière et l’intrusion d’eau salée constituent des défis importants qui occasionneront des déplacements des communautés côtières dans les décennies à venir.
L’ensemble de ces phénomènes à travers les chocs répétés et les tensions qu’ils induisent aggravent significativement les vulnérabilités des ressources de l’environnement et des populations qui en dépendent ce qui ont comme conséquence la pauvreté extrême et la recrudescence d’autres phénomènes notamment l’extrémisme violent, le grand banditisme, les conflits intercommunautaires, en somme toutes les formes d’insécurité et d’instabilité qui éprouvent davantage nos populations.
Cependant en dépit de l’ampleur de ces défis, au niveau de la région du Sahel, nous sommes convaincus que de la possibilité de gagner le pari de la lutte contre les effets de ces phénomènes afin de maintenir la région du Sahel sur la trajectoire d’un développement durable.
Dans le cadre de l’opérationnalisation de la Commission Climat pour la Région du Sahel, il était ainsi soutenu de renforcer la coopération entre les gouvernements à travers des synergies d’actions de préventions et de gestion face aux répercussions prévisibles des impacts du changement climatique.
Dans cette dynamique, des solutions durables visant le renforcement de la résilience des communautés à vocation vulnérable face au changement climatique notamment les pasteurs nomades et les agriculteurs et éleveurs semi-pastoraux, qui comptent plus de 60 millions de personnes dans la Corne de l’Afrique et le Sahel devient avoir une attention particulière dans toutes les planifications stratégiques et opérationnelles.
Aussi, il nous parait important de faire d’une priorité l’investissement dans le renforcement des capacités notamment des jeunes et des femmes dans le cadre de la promotion des actions et initiatives régionales de développement résilient au changement climatique.
Dans cette perspective, la Commission Climat de la Région du Sahel, réitère sa volonté de s’associer à l’Initiative africaine pour la mobilité climatique afin d’élaborer un plan régional de gestion des points chauds de mobilité climatique dans les zones frontalières du Sahel.
En se réjouissant de la cohérence de l’Initiative pour la mobilité climatique en Afrique avec la vision de la Commission Climat pour la Région du Sahel, nous voyons une collaboration entre la Commission et cette Initiative comme une opportunité de faire progresser des stratégies de coopération transfrontalière fondées sur des données probantes pour faire face aux impacts du changement climatique notamment sur la problématique de la pénurie croissante de l’eau. Sur ce, je souhaite plein succès aux discussions d’aujourd’hui.
Merci pour votre attention.